La photographie, c’est aussi des mots.
Cette semaine, j’aimerais partager avec vous la fabrication d’une photo du vendredi. Cela commence souvent par un sentiment ou une idée de ce que pourrait être demain, j’écris alors quelques mots sur un carnet puis je vais à la pêche dans mes archives, pour voir si une de mes photos non utilisées correspond à cette idée. Si ce n’est pas le cas et que j’ai un peu de temps, je pars avec mon appareil photo en bandoulières et mon idée en tête.
Cette semaine, l’exercice est particulier, la photo du vendredi est une image mentale (le clin d’œil à René Magritte n’étant pas une photo, on est d’accord?), je l’ai à l’instant devant les yeux mais je ne vais pas techniquement la prendre cette photo car je vais essayer de vous la décrire pour que chacun puisse se faire sa propre photo du vendredi.
Il est 11h, je suis dans un train Corail Intercités des heures creuses reliant Rouen à Paris, la lumière crémeuse d’automne est là, plombée par une brume épaisse. À travers la fenêtre, j’aperçois un paysage, au milieu de la Seine une île, des vaches encore assoupies y ruminent. Quelques peupliers jaunissant quadrillent l’île et accrochent les nuages bas. Malgré le brouillard, le soleil réussit une percée, et vient illuminer la dizaine de bêtes présentes, donnant à la scène ce rendu un peu vernis des tableaux d’un autre siècle. En bas à droite sur un rocher, un cormoran, les ailes déployées, digère. Une carte postale de Normandie en quelque sorte.
Cet instant n’aura duré qu’une seconde, mais c’est une photo.
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